Conversation in my head
- Tu vas vraiment faire ça ? Ecrire nos conversations à la vue de tous… je trouve ça irrespectueux. Je préférais quand tu me gardais pour toi toute seule.
- Pour une voix dans ma tête, je te trouve vachement agaçant, parfois.
- Désolé, je fais de mon mieux. C’est de ta faute, aussi. Si tu n’étais pas toujours entrain de te prendre la tête...
- Justement, le fait que tu me parles, c’est encore pire ! Et pour répondre à ta question indignée, sache que oui, je vais écrire certaines de nos conversations ici, dans ce journal. Parce que j’en ai décidé ainsi.
- Tu veux surtout te prouver que c’est toi qui contrôle la situation.
- ...
- Et si c’était faux ? Et si c’était pour ça que tu as ces crises d’angoisse ? Parce que tu ne contrôles plus rien. Parce que tu as de nouveau ce goût d’échec amer qui te reste sur la langue, comme si tu venais de mordre dans un citron. Non, c’est pire qu’un citron, c’est ce goût qu’on ne peut que décrire comme "amer" faute de trouver un meilleur terme. Les mots sont si pauvres, finalement, tu ne trouves pas ?
- Tout comme ta réflexion. Ce n’est pas un échec. J’ai juste compris que je n’étais pas prête à avancer. Pas encore. Mais un jour, je le serai.
- Tu es bien optimiste, tout à coup. Cela ne te ressemble pas.
- Il faut que je m’auto-hypnotise, en quelque sorte. Si je ne fais pas ça, tu sais ce qui va se passer, n’est-ce pas ?
- Oui. Tu vas me parler encore plus que d’habitude. Et te dire que tu es complètement folle. Ensuite tu vas éclater de rire. Et puis éclater en sanglots. Ce verbe te vas bien, je trouve. "Éclater". Un éclat fragile du cristal tombant doucement, se détachant de la masse, des autres morceaux qui sont si collés ensemble qu’on n’en distingue pas les fissures…
- Je ne suis pas du cristal.
- Et pourquoi pas ?
- Tu viens de parler d’un morceau qui se détache et de ceux qui restent en place. Je ne suis ni un de ceux qui restent immobiles, ni celui qui se démarque. Je ne peux pas être en cristal ; je ne peux plus me permettre d’être fragile ou de m’oublier parmi les autres.
- Pourtant, c’était si reposant de pouvoir compter sur d’autres personnes… On pouvait prendre le temps de rêver, d’imaginer des histoires. Cela me manque.
- A moi aussi.
- Tu crois qu’on arrivera à rêver à nouveau, un jour ?
- Tu y crois, toi ?
- Il faut bien qu’il y en ait au moins un de nous deux qui y croit. Alors on va dire que pour cette fois, ce sera moi.